Les poésies de la dynastie des Tang (618-907) sont particulièrement célèbres. En voici un ; classique parmi les classiques, d’une concision et d’une précision remarquables. Il est l’œuvre du poète Li Bai (李白) (701-762). Je l’ai appris aujourd’hui, c’est le premier poème que je vais essayer de retenir ! La Chine des empereurs fonctionnait sous un système de grands concours impériaux. Les candidats de toutes origines sociales pouvaient concourir pour divers grades de lettrés, qui leur donnaient ensuite accès à une carrière mandarinale. Pour cela, ils étaient jugés sur leurs qualités littéraires et devaient avoir une connaissance très poussée de quelques œuvres des grands maîtres comme Confucius. Quand on dit très poussée, cela revient à connaître par cœur des ouvrages entiers comme les « Dits et propos de Confucius », à avaler également des centaines ou milliers de poèmes, pour qu’ensuite chacune des dissertations qu’ils auraient à écrire soit parsemée (remplie ?) de références littéraires, souvent à tel vers célèbre ou telle façon de parler. Une dissertation ainsi écrite est logiquement totalement incompréhensible à qui n’a pas la même connaissance approfondie d’une partie de la littérature chinoise.
Bref, voici le poème !
静夜思
床前明月光 chuang qian ming yue guang1
疑是地上霜 yi shi di shang shuang1
举头望明月 ju tou wang ming yue4
低头思故乡 di tou si gu xiang1
Les poèmes de la dynastie des Tang (唐诗, tang shi) sont formés de 4 vers (绝句, jue ju) ou 8 vers (律诗, lü shi). Dans ceux de 4 vers, chaque vers comprend 5 ou 7 pieds, ce qui fait le même nombre de caractères. Ce poème ci est donc un 五字绝句.
Voilà une tentative de traduction, mais il doit en exister une “officielle” bien plus adéquate et qui rime aussi en français dans une anthologie de poèmes chinois traduits en français.
Songes d’une calme nuit
L’éclat de la lune se reflète au pied de mon lit,
Serait-ce du givre sur le sol ?
Je lève la tête pour contempler la clarté de la lune,
En la baissant vers le sol je pense à mon pays natal.
J’ai indiqué les tons du dernier pied de chaque vers. Ce poème est construit selon la rime « ping ping zi ping », ce qui veut dire deux tons plats, puis un ton sec descendant, et à nouveau un ton plat. Les trois tons plats riment également. L’harmonie de la prononciation et des tons contribue fortement au charme du poème. Puisque je parle des tons et de la prononciation, voilà une petite considération à propos des différences de points de vue entre français et chinois lorsqu’on a mal entendu un mot, ou lorsqu’il a été mal prononcé. Le français va chercher un mot se prononçant de la même manière, mais avec un ton différent, alors que le chinois va chercher un caractère de même ton se prononçant différemment. Et comme nous, pauvres étudiants français, retenons principalement la prononciation et pas le ton, il faut fréquemment de nombreux essais avant de se faire comprendre si l’on veut dire un mot précis sans connaître le bon ton…